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jeudi 5 juillet 2007

HAITI/ÉDUCATION / Pourquoi le Nouveau secondaire ?

Propos recueillis par Alix Laroche
alixlaroche@lematinhaiti.com

L’État haïtien s’est engagé à réaliser les objectifs de l’Éducation pour tous d’ici à 2015. La préparation de la Stratégie nationale d’action se situe dans cette logique d’expliciter les choix nationaux pour la mise en œuvre de ce projet. Depuis son arrivée à ce poste, le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Gabriel Bien-Aimé, n’a cessé de prôner l’éducation pour tous, mais une éducation de qualité. Sous son administration, de nombreux changements ont été opérés. Entre autres projets, on peut citer le baccalauréat permanent, les examens distincts pour les nouveaux bacheliers et les recalés, mais aussi, et surtout la mise sur pied du nouveau secondaire. Dans une interview exclusive accordée à un reporter du Matin, le ministre Bien-Aimé explique en quoi consiste le nouveau secondaire.

Le Matin : Monsieur le ministre, l’on entend depuis quelque temps parler du « Nouveau secondaire » qui a été intégré dans le programme du MENFP. Cependant, le public, dans l’ensemble, ignore ce qu’il est exactement. Pourriez-vous nous en parler un peu ?

Gabriel Bien-Aimé : Le Nouveau secondaire est quelque chose qu’on aurait dû mettre en chantier depuis plus de dix ans. Il a maintes fois été annoncé sans être effectivement entériné. Nous autres, dans ce ministère, voulons amorcer son implémentation à partir de cette année de telle sorte que, dans un avenir très proche, nous puissions étendre le processus à toutes nos écoles. Le Nouveau secondaire, c’est en finir avec le cycle traditionnel et donner à nos élèves la possibilité de s’orienter dans leurs études.


LM : Vous parlez du nombre d’années pour le programme du nouveau secondaire. Combien en comporte-t-il ?

GBA : Le Nouveau secondaire comporte quatre (4) années. Nous avons deux années de tronc commun, c’est-à-dire secondaire 1 et secondaire 2, où tous les élèves auront à suivre les mêmes cours. Après ces deux années, ils auront à choisir. La troisième année sera l’année d’orientation. Il y aura trois filières : la filière d’enseignement général, puis la pédagogique et enfin la technologique. La quatrième année est celle de fin d’études, donc celle de renforcement de ce qui est appris au niveau de la troisième année. Au terme de tout cela, il y aura un examen du bac de fin d’études secondaires. Cet examen peut être en enseignement secondaire, en pédagogie ou en technologie. Par exemple, quelqu’un qui est en enseignement général peut décider ensuite de continuer à l’université. Quelqu’un qui a choisi la filière pédagogique peut automatiquement commencer à enseigner. La filière technologique peut permettre au bachelier d’aller directement sur le marché du travail. Mais, s’il veut une spécialisation, il se dirigera soit dans une université technique ou dans une école technique supérieure pour pouvoir parfaire cette connaissance qu’il a acquise au niveau du nouveau secondaire. Voilà grosso modo en quoi consiste le Nouveau secondaire.


LM : Le ministère a changé de nom. Le MENJS est devenu le MENFP. Quelle est la raison d’être de ce changement ?

GBA : Nous sommes en train d’élaborer une politique de formation professionnelle dans le cadre de notre programme. Il est vrai qu’au niveau du fondamental, il y a déjà une ouverture vers le professionnel. Au niveau du Nouveau secondaire, il y a cette filière technologique qui prend en compte justement la formation professionnelle. Au niveau de l’Institut national de formation professionnelle (INFP), nous avons toute une série de programmes nous permettant d’aboutir à du concret en ce qui concerne la formation professionnelle parce que, désormais, nous voulons former des jeunes capables d’intégrer tout de suite le marché du travail. Nous ne voulons pas former des chômeurs. Nous voulons tenir compte des besoins de la société et de nos entreprises dans la préparation de nos jeunes. C’est-ce que nous appelons une formation axée sur la demande, en d’autres termes, ce que demande effectivement la société. C’est le concept à travers lequel nous allons former nos jeunes de telle sorte que ces derniers, une fois diplômés, trouveront du travail dans leurs spécificités propres.

LM : Abordons maintenant la question du baccalauréat permanent. Voulez-vous l’expliquer aux lecteurs du Matin, Monsieur le ministre ?

GBA : Alors, nous sommes en train vraiment de réformer ou, tout au moins, de repenser le baccalauréat haïtien. Cette année, plusieurs nouvelles mesures ont été prises. Citons, par exemple, la séparation des nouveaux candidats et des redoublants. C’est un premier élément. Un second élément est que ceux qui n’ont pas réussi ne vont pas attendre une année pour pouvoir se présenter aux examens. Ils vont pouvoir tout au cours du cycle se présenter aux épreuves et participer, une fois qu’ils se sentiront prêts. Un troisième changement à souligner est que les redoublants n’auront pas à composer sur toutes les matières. Ils le feront seulement sur les matières pour lesquelles ils n’ont pas obtenu 50 % et plus. Les matières dans lesquelles ils ont obtenu 50 % seront archivées pendant deux ans. Le candidat redoublant a deux ans pour pouvoir arriver aux moyennes de 50 % lui permettant de franchir l’étape. Nous allons encore apporter d’autres changements pour rendre le baccalauréat haïtien plus facile, plus viable, moins stressant et plus conforme à la réalité.


LM : Comment expliquer la faible congruence des curricula avec la réalité socioéconomique ?

GBA : Le profil des jeunes issus de l’école fondamentale semble encore très éloigné des attentes formulées dans les finalités de l’éducation énoncées au début de la réforme éducative et qui servent encore de référence au système. La non-prise en charge par les curricula scolaires de toutes les préoccupations de la vie quotidienne (violence, sexualité responsable, protection de l’environnement, promotion de la citoyenneté, justice sociale, justice, sécurité, valeurs morales, etc.) entraîne chez l’Haïtien éduqué, étant donné, par ailleurs, la faible internalisation des valeurs de tolérance, de règlement des divergences par le dialogue, etc., une faible capacité à résoudre certains problèmes fondamentaux. Un tel vide n’est pas de nature à contribuer à mettre Haïti sur la voie de l’épanouissement auquel aspire sa population.

LM : Que dire du faible impact de l’éducation sur le plan de l’insertion sur le marché de l’emploi ?


GBA : Si le taux de chômage est l’un des indicateurs souvent évoqués pour exprimer l’état du sousdéveloppement du pays, il est curieux de constater que ce sont surtout les jeunes de moins de 30 ans (65.5 %) qui sont frappés par ce phénomène (chômage ouvert), particulièrement dans la zone métropolitaine. Mais la distribution de la population des chômeurs selon le niveau d’études atteint reste inquiétante. 50 % des chômeurs en milieu rural ne sont pas allés à l’école au-delà du cycle primaire alors qu’en milieu urbain – tant dans la capitale que dans les autres villes du système urbain –, 60 % au moins des chômeurs ont achevé avec succès au moins une année du cycle secondaire. En deçà du supérieur, l’éducation ne protège pas contre le chômage selon le constat de l’IHSI. Il importe toutefois de prendre en compte le poids de la conjoncture sur le marché du travail. Il ne fait aucun doute que la crise multidimensionnelle que traverse la société haïtienne depuis au moins vingt ans nuit à l’efficacité et aux impacts économiques des investissements éducatifs.

LM : Plus d’un se plaint du coût élevé de l’éducation en Haïti. Qu’en pensez-vous, Monsieur Bien-Aimé ?

GBA : On notera que les familles assurent l’essentiel du financement de l’éducation compte tenu du fait que la majorité des établissements du réseau scolaire (92 %), ainsi que des effectifs (environ 85 %), sont de statut non public. À côté des familles, il convient d’ajouter les églises, à travers les missions et les ONG qui interviennent de manière significative dans le financement des droits de scolarité, des matériels et des équipements, des cantines scolaires, et cela tant dans les écoles privées que dans les écoles publiques.
mercredi 4 juillet 2007


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